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Les obstacles à la représentation politique

Les paradigmes de la démocratie

PUF, p. 217-224, mai 1994




La cause est entendue. Il est difficile de défendre la démocratie directe comme principe unique d’organisation politique. On ne voit pas pourquoi tout le monde serait prêt à tout moment et en tout lieu à participer aux affaires publiques. On ne voit pas non plus pourquoi il pourrait y avoir un passage simple des activités sociales aux activités politiques. Même si l’on admettait que la société est relativement homogène — ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui —, il ne peut pas y avoir de coïncidence entre des activités de production matérielle ou intellectuelle et l’activité politique. En d’autres termes, on ne peut pas supprimer la différenciation des activités et la nécessité de médiations entre les activités humaines. La politique ne peut pas être une simple réflexion du social, elle est le fruit d’échanges multiples qui ont pour objectif des décisions et des interventions collectives pour conserver ou modifier, le plus souvent, des conditions sociales données. Dans la politique, lorsqu’elle ne s’en tient pas à une gestion routinière, il y a forcément prise de distance par rapport à ce qui existe, jugement porté sur ce qui a été fait et sur ce qui est à faire. Elle est un lieu où des temporalités différentielles se confrontent, où les coordonnées spatio-temporelles des groupes et des individus sont très diverses et doivent être mises en communications par des procédures complexes. La politique doit produire des convergences, à partir de différences et de divergences.

Il est, par conséquent, inévitable qu’il y ait de la représentation, division des tâches, décision prise par les uns au nom des autres, discontinuité dans les formes de participation. Pour autant, peut-on considérer que la représentation politique est sans problèmes et qu’elle a trouvé sa forme définitive dans la démocratie parlementaire libérale ? Tout cela serait vrai si l’on pouvait admettre que la simple sommation des opinions des individus par des mécanismes électoraux garantissait des équilibres politiques et sociaux durables et équitables. Il n’est pas besoin de longues démonstrations pour s’apercevoir qu’il n’en est rien. Le champ de la politique est plein d’aspérités, de dissymétries qui sont autant de possibilités ouvertes aux distorsions de la représentation ; les groupes et les individus qui s’insèrent dans les relations sociales ne sont pas dans les mêmes positions face aux phénomènes de pouvoir. Les uns ont beaucoup de pouvoirs (économiques, culturels, etc.), les autres très peu, voire quasiment pas. Mais au-delà de cette constatation banale, il faut bien voir que ces inégalités sont reproduites, renouvelées par de nombreux mécanismes. Quand on dispose de peu de ressources matérielles et symboliques, on ne peut pas participer de façon intense aux échanges politiques. En outre, lorsqu’on est pris dans des dispositifs de domination, on a beaucoup de mal à organiser une volonté collective ou des participations individuelles efficientes. Cela est encore plus vrai pour les femmes qui sont particulièrement discriminées par les rapports sociaux de sexe (place subordonnée dans la reproduction de la vie, élevage des enfants, travail domestique, violences sexuelles, etc.), c’est-à-dire contraintes de s’accommoder de relations de type patriarcal avec l’autre moitié de la société. Pour participer à la vie politique, il faut en conséquence arriver à faire reculer au moins partiellement les structures de domination qui pèsent sur elles. C’est ce que l’on a pu observer dans certaines circonstances, telles les luttes pour l’élargissement du suffrage, les luttes pour la contraception et l’avortement. Mais on a pu observer également que ces phases d’avancées étaient souvent suivies de phases de stagnation, voire de recul plus ou moins temporaire.

Le rapport salarial est lui aussi inscrit dans des relations de domination : subordination permanente des salariés dans l’organisation du travail, dépendance financière (le versement du salaire), position inférieure sur tous les marchés, particulièrement sur le marché du travail, difficultés d’accès aux ressources symboliques. Sans doute peut-on faire remarquer que l’organisation collective, syndicale et politique des travailleurs salariés desserre quelque peu les liens de la domination. Ils ont des représentants qui peuvent organiser des luttes et défendre certains intérêts des couches salariées dans le champ de la représentation institutionnalisée. Mais il y a un revers à cette médaille : la participation des salariés à leurs propres organisation est particulièrement ambiguë. Elle est, pour une part, une participation-délégation, qui est la plupart du temps renonciation du plus grand nombre à suivre de près leurs propres affaires par manque de confiance en leurs propres forces. Elle est aussi, pour une minorité, participation- ascension sociale : à travers l’organisation on obtient des gratification symboliques (prestige) et l’on peut échapper à une condition souvent oppressive. Ces deux formes de participation conjuguent leurs effets pour immuniser relativement les organisations contre les remises en question. Le premier type de participants, par sentiment d’infériorité, s’identifient facilement aux dirigeants et aux théodicées laïques qui leur expliquent la société et l’histoire. Le deuxième type de participants, les militants, les responsables, ne peuvent pas véritablement prendre de distance par rapport à l’organisation, à moins d’accepter de perdre les avantages acquis. Il n’est donc pas étonnant que les organisations de travailleurs salariés, en créant des structures oppressives et closes, puissent elles-mêmes redoubler les effets des mécanismes de domination. La participation par l’intermédiaire des grandes organisations bureaucratisées est le plus souvent ritualisée, passive et conformiste.

Pour bien mesurer tout ce qui peut entraver les échanges politiques, il faut tenir compte, en outre, de ce que J. HABERMAS (1981), après Marx, appelle les « abstractions réelles », à savoir les médias de communication que sont la monnaie et le pouvoir bureaucratico-administratif. A travers la circulation monétaire, il y a, bien sûr, des échanges d’information sur des paramètres économiques, mais il y a aussi et surtout des transmissions de contraintes sociales, des injonctions à se soumettre à des rapports économiques et à se conformer à une dynamique économico-sociale implicitement considérée comme intangible. Les échanges monétaires sont ainsi placés sous le signe de la nécessité alors même que les acteurs peuvent avoir l’illusion de la liberté. Mutatis mutandis, il en va de même avec le pouvoir bureaucratico-administratif, il assure les échanges entre le pouvoir politique et les administrés : il applique des législations et des réglementations, il recense, classe, discrimine, sanctionne, mais fournit aussi des prestations. Certes, il y a moins d’automatismes dans le fonctionnement du médium pouvoir bureaucratique que dans le médium monnaie ou argent, mais la bureaucratie transmet aussi des injonctions sociales sous le couvert de la neutralité et de la nécessité. Elle se présente comme un outil de régulation des échanges entre gouvernants et gouvernés alors qu’elle les régule en les limitant. Sa logique de prolifération est en fait le revers d’une logique de la limitation des problèmes ouverts à la confrontation démocratique. Le pouvoir bureaucratico-administratif gère les affaires qui lui sont confiées avec le souci de restreindre autant que faire se peut l’immixtion des administrés.

Il y a, en ce sens, un paradoxe des médias ou moyens de communication : ils servent les échanges en les simplifiant, en les débarrassant notamment des communications superflues, en sélectionnant ce qui est utile, mais ils le font en imposant des codes rigides. Le médium argent ou monnaie fonctionne selon le code de l’accumulation du capital et de la valorisation de la force de travail. Le médium pouvoir bureaucratique limite les échanges dans la sphère administrative à des prestations et contre-prestations strictement contrôlées. Les administrés ont, sans doute, des droits, mais l’exercice de ceux-ci dépend largement de l’administration (contrôle des actes administratifs par les tribunaux administratifs). Cette rigidité qui caractérise une grande partie des échanges sociaux conduit logiquement à s’interroger sur le rapport social que monnaie et pouvoir bureaucratique contribuent à équilibrer et à reproduire. Son principe d’agrégation et de synthétisation ne peut se ramener à une combinaison d’interactions et de réseaux d’interactions, ni non plus à une intrication simple d’organisations et d’institutions. Le rapport social surplombe les groupes et les individus et façonne les relations sociales en fonction des impératifs de la valorisation. En même temps, il traverse les relations interindividuelles et intersubjectives en leur fixant des limites, en établissant des barrières pour les relations de réciprocité, en produisant sans cesse de l’incompréhension et de l’hostilité grâce à des affrontements concurrentiels généralisés. Omniprésent, il place et déplace en permanence les classes et les individus selon des lignes de partages abstraites (capital-travail, travail salarié-travail domestique, travail dépendant-travail indépendant, travail-non-travail). Il est à la fois rapport de production, rapport de circulation, rapport de communication et leur unité contradictoire. Mais, dans cette unité contradictoire, il y a le poids fondamental du rapport de production ; le rapport de circulation comme circulation des biens et des personnes est déterminé par ce que lui apporte la production et ce qu’il lui apporte ou refuse en retour. Le rapport de communication, pour sa part, est largement marqué par une inflation informationnelle (pour ce qui sert la valorisation) et par un aplatissement et une “routinisation” des communications proprement dites. Il en résulte un véritable refoulement de l’imaginaire social ainsi qu’un appauvrissement de la production et des échanges symboliques.

Aussi bien ne faut-il pas s’étonner si, dans un tel cadre, le champ des institutions politiques soit caractérisé, lui aussi, par beaucoup de rigidités. On peut d’abord constater que les institutions sont pénétrées d’économisme. Les citoyens sont invités à défendre leur intérêts, notion parfaitement ambiguë, puisqu’il n’y a pas d’intérêts que l’on puisse cerner de façon purement objective. Mais elle a l’avantage de fixer l’attention sur les mécanismes de reproduction des rapports sociaux et de reproduction de la vie, c’est-à-dire sur une sorte de statique de la dynamique sociale. Les salariés en cherchant à bien vendre leur force de travail et à obtenir plus de prestations sociales par leurs représentants politiques et syndicaux légitiment l’ordre politique et social. De leur côté, les managers en faisant valoir les conditions de bon fonctionnement des entreprises et de l’économie dans son ensemble demandent aux sommets de l’Etat de tenir compte des compatibilités à établir entre les différentes revendications des diverses couches sociales. La démocratie représentative, en ce sens, se dévoile comme un système d’arbitrages pour arriver à des ajustements nécessaires à la mise au point d’équilibres complexes. La politique comme art du possible est placée sous le signe de la nécessité, plus précisément la politique se niche dans les entrebâillements de la nécessité. C’est cela qui explique que, de façon récurrente, on présente la démocratie représentative comme relevant d’une théorie de type économique (DOWNS, 1957) et que l’on compare l’espace public à un marché. La comparaison a ceci d’exact que les grandes organisations politiques peuvent être considérées comme des entreprises oligopolistiques qui cherchent à majorer les soutiens qu’elles obtiennent dans l’opinion publique. Pour cela, il leur faut utiliser des moyens légitimes, c’est-à-dire compatibles avec la survie de l’ordre politique et social, et adéquats, c’est-à-dire permettant d’atteindre les objectifs fixés.

Le système politique doit être, en conséquence, un lieu de production de technologie politique. Depuis plusieurs décennies, on s’est beaucoup focalisé sur les techniques du marketing politique en leur attribuant souvent une importance démesurée (cf. les théories de la manipulation psychologique). On s’attarde par contre trop peu sur la création et la propagation d’un modèle d’homo politicus censé résumer les traits de l’acteur politique raisonnable et responsable, capable en toutes circonstances de choix équilibrés et rationnels. Ce modèle hautement improbable — il fait abstraction des solidarités de groupe et des insertions dans des réseaux d’interactions — ne se présente pas directement comme opératoire ; il cherche surtout à faire apparaître des déviations pour intimider, isoler et conformer. On s’intéresse trop peu aussi aux techniques de limitation des enjeux politiques par la disqualification actuelle ou préventive de certaines revendications. Comme l’on fait remarquer BACHRACH et BARATZ (1970), il est tout aussi important pour comprendre un système politique de saisir les problèmes qui ne deviennent pas des enjeux explicites (de certains problèmes écologiques à certains problèmes de la pauvreté) que les enjeux tout à fait explicites. Avant de produire de la légitimation pour les gouvernants, il faut rendre illégitimes certains comportements politiques. Pour cela, les systèmes politiques représentatifs peuvent utiliser des dispositifs matériels efficaces pour trier ce qui est admissible et ce qui ne l’est pas : partis politiques, administrations régionales et locales, assemblées élues, organes de presse. Il ne faut pas oublier que certaines couches de la société sont particulièrement soumises aux pressions de ces organismes, parce qu’elles sont peu ou prou dépossédées des moyens de l’activité politique. Le discours politique et le discours sur la politique ne leur sont pas interdits, mais elles ne peuvent pas les articuler de façon systématique, la plupart du temps elles ont des voix inaudibles pour les autres.

Le système politique ne peut toutefois atteindre sa pleine efficacité que s’il produit une culture et des valeurs politiques qui interprètent le cosmos politique tout en le balisant par des repères et des lignes de démarcation ou de partage. La culture politique doit, notamment, fournir des schémas d’analyse de la réalité politico-sociale, les règles et les modalités de l’action collective ainsi que des méthodes de régulation des conflits et de mise au point des compromis. Les valeurs expriment quant à elles, ce qui est politiquement souhaitable, ce vers quoi la société politique doit tendre concrètement et idéalement. Surtout, elles définissent ce qu’il faut rejeter, voire proscrire : elles disent qui est ami et qui est ennemi, qui peut être reconnu et qui doit être méconnu. Culture et valeurs politiques ne sont, naturellement, jamais complètement unifiées. Elles sont traversées par des luttes incessantes autour de la réaffirmation ou du renouvellement des thématiques dominantes, autour de leur capacité à contenir les subcultures des classes dominées et à empêcher l’apparition de valeurs politiques subversives. C’est pourquoi le jeu de la représentation politique est très souvent accompagné de la mise en scène de la symbolique politique et de l’utilisation de langages porteurs de messages tout à fait spécifiques. La vie politique connaît beaucoup de cérémonies, de célébrations rituelles, des condamnations orchestrées de victimes expiatoires ou de boucs émissaires afin d’inclure ou d’exclure symboliquement. Le jeu de la politique est ainsi partagé entre l’économisme et des références à des symboliques nationales, religieuses, mythiques, etc. Il se donne par suite pour un mixte de rationnel et d’irrationnel et, quant au fond, la culture politique elle-même ne peut être que recherche inlassable d’une conciliation bancale entre un rationnel limité (économiste) et un symbolique non réfléchi et non distancié, c’est-à-dire souvent irrationnel.

Il est donc assez apparent que la culture politique ne peut assurer, à elle seule, la stabilité d’un système politique. Dans certaines circonstances, par exemple lorsqu’une hégémonie politico-culturelle ancienne entre en crise, elle devient même un facteur d’instabilité majeur. C’est ce qui explique que tout système politique tend à fermer le plus hermétiquement possible le champ institutionnel et à limiter de façon drastique le changement institutionnel dans son sein. En d’autres termes, les institutions qui sont en place doivent elles-mêmes décider de leurs propres changements, sans avoir besoin d’obéir à des pressions externes. Comme le disent les juristes, tout changement doit être légal, c’est-à-dire conforme aux règles que le système s’est donné. On observe ainsi que, dans la plupart des Etats de démocratie parlementaire, la révision constitutionnelle n’est possible que dans des limites très étroites, ce qui la rend très improbable. Il n’est même pas exagéré d’affirmer que beaucoup de gouvernants sacrifient à un véritable fétichisme de la constitution alors qu’ils ont parfaitement conscience de l’ampleur des changements sociaux. Mais le paradoxe n’est qu’apparent, puisque la défense entêtée de la légalité tient au fait qu’elle donne la clé des procédures d’illégitimation, c’est-à-dire du refoulement des changements dont ne veut pas la classe dirigeante. Cela permet de comprendre pourquoi les institutions peuvent survivre dans des contextes très différents : leur caractère tautologique et auto-référentiel rend possible une relative indifférence par rapport à des changements limités. On voit par là tout ce que peut avoir de réducteur la légitimation d’un pouvoir par sa seule légalité. Le problème de la participation démocratique au changement social, de sa qualité et de son extension, est purement et simplement évacué.

C’est sans doute ce refoulement de la participation démocratique dans le jeu auto-référentiel et fétichiste des institutions qui explique la crise rampante de la représentation politique dans les pays occidentaux. Les phénomènes de désaffection, voire de désertion que l’on observe un peu partout traduisent un profond malaise face aux formes traditionnelles de la vie politique. Les grandes organisations se vident peu à peu de leur substance et mobilisent de plus en plus difficilement leurs adhérents et sympathisants. Cette crise a, indéniablement, des origines conjoncturelles. L’Etat-Providence économise sur la protection et les prestations sociales et la participation se révèle beaucoup moins payante qu’auparavant. Mais il y a des raisons plus structurelles à cette crise, à savoir la remise en question des vieilles relations d’autorité dans de nombreux domaines, dans la famille, dans les relations de couple, dans les systèmes de formation et, dans une moindre mesure, dans les relations de travail. Cela a très souvent pour effet de mettre à nu certaines formes de domination (pouvoir exercé par une minorité sur un grand nombre d’individus) et de faire ressortir la nature paradoxale du pouvoir. Il est au premier chef pouvoir de faire, pouvoir d’agir ensemble pour transformer des situations, mais pour se manifester comme tel, il se fait d’abord le pouvoir de peu sur beaucoup. Les conditions de l’action collective, les modalités de son organisation sont en quelque sorte monopolisées, ce qui a pour conséquence de réduire considérablement l’autonomie de ceux qui agissent. Les relations de pouvoir sont, de ce point de vue, des relations de coopération antagonistes — paradoxe dans le paradoxe. Ceux qui dominent essayent d’imposer le maximum d’hétéronomie, au besoin au détriment de l’efficacité de l’action. Ceux qui sont dominés tentent au contraire d’acquérir le maximum d’autonomie. Ce qui veut dire que des structures de pouvoir sont stables quand la combinaison entre hétéronomie et autonomie est elle-même arrivée à un point d’équilibre.

Les difficultés actuelles de la représentation politique renvoient donc à une déstabilisation des modalités d’ajustement entre hétéronomie et autonomie. Les aspirations à plus d’autonomie font ressortir de façon prégnante les rigidités des systèmes politiques, leurs aspects conservateurs, leur incapacité à se renouveler. Beaucoup aimeraient que les élites soient plus fréquemment changées, surtout soient elles-mêmes conduites à favoriser le développement de l’autonomie dans les différents domaines d’activité. En bref, la part d’hétéronomie qui est inévitable (il n’y a jamais d’égalité complète des positions et des possibilités dans l’action) doit être minimisée au maximum et révisée à la baisse dès que l’occasion s’en présente. Les perspectives doivent être renversées : il ne s’agit plus de stabiliser la domination, mais de diminuer les effets de domination dans le champ du politique. Pour reprendre la terminologie de C. CASTORIADIS (1978), il faut que l’instituant puisse transformer plus facilement l’institué, et pour reste dans le domaine de la représentation, il faut que la représentation instituée soit périodiquement bouleversée par une représentation politique instituante qui serait susceptible d’assouplir ou changer des règles, de répartir autrement (plus largement) les pouvoirs. L’institué, en quelque sorte, doit être mis sous examen et pesé selon sa capacité à résoudre les problèmes qui se présentent tout en garantissant la participation démocratique la plus large. Confronté ainsi à la puissance innovatrice de l’instituant, l’institué perd beaucoup de sa rigidité et peut fonctionner de façon beaucoup moins routinière. Quant au système politique, il n’est plus centré sur son intangibilité et sa propre reproduction, mais s’ouvre à une logique de la transformation maîtrisée et de la stabilité dynamique.

Bibliographie

BACHRACH, Peter, BARATZ, Morton, Power and Poverty, Londres, 1970.
CASTORIADIS, Cornélius, L’Institution imaginaire de la société, Paris, 1978.
DOWNS, Anthony, An Economie Theorv of Democracy, Boston, 1957.
HABERMAS, Jiirgcn, Théorie des Konimunikativen Handelns, Francfort- sur-le-Main, 1981.
LUHMANN, Niklas, Soziale Système, Francfort-sur-le Main, 1984.


Source : exemplaire personnel





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(1934-2004)