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Le désenchantement du monde : Max Weber et Walter Benjamin

Revue européenne des sciences sociales

n° 101, tome XXXIII, p. 95-106, 1995


Le texte reparaîtra dans l’ouvrage Max Weber ou la démocratie inachevée (1998) sous le titre "Le désenchantement du monde".



Le désenchantement du monde selon Weber est d’abord un processus religieux de rupture avec la magie, et plus précisément de rupture avec la recherche de moyens magiques pour obtenir le salut. Il commence par les prophéties du judaïsme ancien pour trouver un premier point d’aboutissement avec le rejet des sacrements comme moyens de salut dans le protestantisme. La religion se trouve peu à peu dépouillée de ses caractéristiques sensibles- sensuelles pour se faire avant tout intériorité, élévation au-dessus du charnel et du naturel. Le monde est par là même désacralisé et désenchanté : il ne peut plus donner immédiatement du sens aux activités des individus (cf. « Religionssoziologie », 1988, pp 94-95) parce qu’il n’est plus lui-même rempli de sens ou de significations premières.

Le processus se fait d’autant plus irrésistible qu’il est appuyé depuis l’antiquité grecque par le développement de la science. Les explications magiques ou mythologiques du monde cèdent peu à peu la place à des explications scientifiques qui permettent des pratiques rationnelles et la mise au point de techniques de travail efficaces. Il y a ainsi une intellectualisation progressive du monde qui s’effectue au détriment de toutes les théodicées. Le désenchantement du monde tend à devenir sécularisation, c’est-à-dire retrait de Dieu des pratiques sociales et des affaires de la Cité. Les hommes doivent trouver eux-mêmes du sens à ce qu’ils font et à ce qu’est leur vie, parce que l’Etat et les différentes institutions qu’il encadre, ne peuvent plus se dire de droit divin. La société devient un champ d’action problématique où chacun doit essayer de trouver sa place sans que cela soit garanti à l’avance, sans que l’individualité soit assurée de s’accorder avec la socialité qui l’environne. Les valeurs qui sont susceptibles de fournir du sens et de guider l’action sont en effet prises dans le processus de désenchantement, c’est- à-dire perdent de leur autorité. Elles ne peuvent plus s’imposer d’en haut comme relevant de pouvoirs infaillibles, car ce sont les groupes sociaux et les individus qui donnent de la réalité et de l’effectivité en les adoptant et en les défendant. Il ne peut plus y avoir de culture unitaire qui s’exprimerait dans des valeurs objectives, il y a seulement des offres de sens qui se concurrencent entre elles.

Le monde désenchanté n’est pas forcément un monde sans Dieu et sans religion, mais il est un monde polythéiste ou Dieu et la religion peuvent être interprétés de façons très différentes. Comme le dit très bien E. Troestsch, l’ami de Max Weber, la culture moderne est en lutte contre toute idée de culture ecclésiale, en l’occurence contre toute idée de culture chrétienne unitaire. Cela veut dire que le christianisme lui-même, qu’il soit catholique ou protestant, doit faire ses comptes avec le désenchantement du monde, qu’il doit arriver à concilier l’exigence d’absolu qui est présente chez lui avec la marginalisation des institutions ecclésiales et la déchristianisation des institutions publiques. La culture chrétienne devient une culture parmi d’autres dans le cadre d’un désenchantement culturel général : il lui faut se mesurer avec la critique historique des sources révélées de la religion, avec les critiques des fondements dogmatiques de la théologie ainsi qu’avec les critiques philosophiques du phénomène religieux. Bien malgré elles, les religions chrétiennes sont ainsi condamnées à être des religions du désenchantement qu’elles se réfugient dans le sectarisme intégriste ou refusent les incarnations mondaines de la foi comme la théologie dialectique protestante (« La religion est incroyance » dit Karl Barth cf « Kirchliche Dogmatik » page 65).

Pour Weber, il ne fait pas de doute que le monde désenchanté est un monde de désarroi, du doute et de l’inquiétude qui ne sait guère où il va. C’est en fait un monde traversé de tensions, tensions entre les rationalisations éthiques d’origine religieuse (éthiques de la fraternité) et la rationalité froide et impersonnelle des affrontements sur le marché, tensions entre les éthiques religieuses de la non violence et l’Etat comme organe impersonnel de la violence politique et de la défense violente du droit. Dans un tel cadre, le discours religieux qui s’est formé au cours de longs processus de rationalisation apparaît paradoxalement comme irrationnel, car il n’arrive pas à indiquer comment se conduire rationnellement dans une vie économique dominée par la rationalité instrumentale de l’économie et de la politique. Pour autant, la rationalisation intellectuelle et l’extension à de nombreux domaines de processus et de procédures cognitifs rigoureux ne produisent pas par elles- mêmes leur propre sens. L’autonomisation de la sphère esthétique, celle de l’expressivité, peut indéniablement produire du sens pour certains, elle ne peut toutefois pas résoudre les questions afférentes à la morale et à l’éthique. De son côté, la transformation des relations sexuelles en relations érotiques, en vécu orgiastique qui transporte au delà de l’immédiat, peut modifier bien des relations humaines, il n’en résulte pas une résolution des questions éthiques. Contrairement à ce que pensait Hegel dans ses « Principes de philosophie du droit », il n’y a donc pas dans la société contemporaine de règne possible de la « Sittlichkeit », c’est-à-dire d’une « morale objective » qui concilierait les exigences éthiques et les contraintes politico-économiques (cf. Zwischenbetrachtung in « Religionssoziologie I », 1988, pp 536-573).

Il ne faut donc pas s’étonner si la sociologie wébérienne de la religion est au fond une interrogation inquiète sur la culture occidentale contemporaine. La rationalisation des pratiques religieuses et des théodicées, créations culturelles pour lesquelles Weber ne cache pas son admiration, a selon lui des effets pervers. La culture, quand elle veut produire du sens, produit beaucoup de non-sens, parce qu’elle ne dispose pas de moyens pour faire la discrimination entre ce qui serait souhaitable et ce qu’il faudrait refuser. On peut faire des projets pour une « bonne société », mais ils ne peuvent trouver que des justifications douteuses et critiquables, ils sont sans force contraignante pour les groupes sociaux et les individus à qui ils s’adressent. Le désenchantement du monde est, en réalité un ébranlement du monde, une entrée dans les turbulences de l’incertain. Cela est d’autant plus vrai que la rationalisation semble irrésistible et semble devoir s’imposer à l’échelle de la planète toute entière. Le monde est en voie d’occidentalisation dans un contexte d’affrontements impériaux, de désordres, de convulsions révolutionnaires et contre-révolutionnaires, de tensions entre des religions séculières sacrifiant à des éthiques de la conviction tout en se justifiant par des philosophies de l’histoire.
Walter Benjamin qui prend très tôt connaissance des textes de Weber (au début des années vingt) trouve très vite féconde la thématique wébérienne du désenchantement du monde et n’hésite pas à se l’approprier pour nourrir sa réflexion sur l’histoire et la société. Il ne conçoit cependant pas le désenchantement du monde comme une théorie élaborée, il en fait au contraire une constellation de problèmes à découvrir et d’interrogations à formuler. Il se sert pour cela de thèmes repris à Nietzsche dont il n’est pas interdit de penser qu’il a aussi beaucoup influencé Weber dans ce domaine précis. Pour Benjamin, comme pour Nietzsche, le désenchantement du monde, en mettant en crise la religion, produit de la barbarie domestiquée, c’est-à-dire une barbarie qui a partie liée avec le nihilisme, l’indifférence culturelle et s’accomode de l’abaissement et du rétrécissement des valeurs. Les hommes du désenchantement ne cherchent pas vraiment à travailler sur les processus de désacralisation et à les faire parler au delà de leurs manifestations immédiates. Ils acceptent ainsi d’avance des restrictions à l’expérience (au niveau de la temporalité et de l’espace par exemple) en même temps qu’ils se rattachent à la religion ou à des substituts de religion faits, comme le dit Benjamin, de cultes sans dogmes. On part à la quête de l’euphorie par l’illusion en sachant qu’on piétine ou détruit de l’être, on s’enferme dans des conventions pour éviter d’affronter le monde tel qu’il se donne. Tout se passe comme si on refusait de payer ses dettes et qu’il en résultait de forts sentiments de culpabilité.
Pour dépasser l’agnosticisme wébérien (et son héroïsme individualiste), Benjamin dans un premier temps croit possible de faire fond sur une barbarie positive qui serait le contraire de la barbarie domestiquée dénoncée par Nietzsche et serait censée mettre fin à l’atonie culturelle produite par le nihilisme. Il appelle de ses vœux, en conséquence, l’apparition d’hommes d’élite capables de supporter le traumatisme du désenchantement du monde et de s’engager dans la création d’une nouvelle culture (plutôt que dans un renversement de valeurs amoindries). Dans un deuxième temps, Benjamin se persuade que cette voie mène à une impasse, parce qu’elle passe trop rapidement sur le problème de la religion. En termes plus précis, on peut dire qu’il veut pousser plus avant la compréhension de la création culturelle religieuse pour se demander comment elle reste présente dans la culture et la pensée rationalisées, et comment elle s’insinue malgré toutes les dénégations dans les attitudes, comportements et pratiques de la société. C’est donc la religion dans ce qu’elle a de fort, dans ses constructions les plus solides sur ce que sont le monde et la société qu’il entend interroger, en laissant de côté ce qui est plus faible, le phénomène religieux, les aspirations sentimentales à Dieu.

D’une certaine façon, Benjamin rejoint sur ce point Hegel qui voit dans la religion un moment de la dialectique de l’esprit et de la raison, c’est-à-dire du devenir humain du divin et du devenir divin de l’humain. La religion absolue, le christianisme selon Hegel, en effet participe à la construction de l’esprit de l’humanité. Elle ne doit pas être prise essentiellement comme révélation, mais comme religion manifeste qui prépare à découvrir l’infini de la raison, de l’esprit qui se sait lui-même. Elle ouvre la voie à la philosophie et se dépasse elle-même dans la philosophie de la religion (cf. Philosophie der Religion, I, 1986), qui déchiffre les dogmes et leur assigne un sens dans la marche à l’unité de la raison humaine et de la raison divine. Pour bien comprendre le processus, il faut donc rompre avec la religiosité sentimentale de l’intériorité qui croit atteindre le divin à partir d’une subjectivité contingente, il faut rompre aussi avec la métaphysique de l’entendement d’une certaine théologie qui fait de l’infini une abstraction vide et inaccessible. Il ne faut pas non plus sacrifier à ue interprétation métaphorique des textes révélés en croyant ainsi surmonter les difficultés créées par les critiques des historiens, car ce qui compte c’est le contenu de raison des dogmes (par exemple le rapport de l’esprit à lui-même dans le dogme de la sainte Trinité). Le théologique est en quelque sorte du pré- théorique qu’il faut conduire au théorique et à l’objectivité de l’esprit collectif.

C’est cette leçon hégélienne que retient Walter Benjamin : le théologico- religieux a été une des conditions de possibilité du rationnel et la culture contemporaine en reste si profondément imprégnée, que l’on doit pouvoir retrouver du théologique dans la raison et dans l’usage de la raison. Il entend se situer, par suite, en opposition formelle avec tous ceux qui croient que la critique de la religion est une affaire réglée, (notamment avec les marxistes et leurs différentes orthodoxies) et qui pensent en même temps que la rationalité moderne n’a pas de caractère problématique. Pour lui, en opposition à Ludwig Feuerbach, il n’y a pas d’aliénation religieuse, c’est-à-dire projection d’aspirations et de qualités humaines dans un divin imaginaire, ce qui implique que le rapport à la religion ne peut être un simple rapport de ré-appropriation du divin et du sacré par une sorte d’homme-dieu. On est plutôt confronté à une sorte d’omni-présence du théologico-religieux, sous couvert de concepts séculiers, dans le théorico-culturel et il ne peut y avoir d’élucidation profane du théologique que si l’on arrive à saisir la présence du religieux dans des thématiques culturelles qui s’en croient très éloignées. Les téléologies de l’histoire par exemple et toutes les philosophies du progrès. Dans le « Theologisch- politisches Fragement » il fait observer ainsi que seul un Messie peut donner un sens définitif à l’histoire en la remettant en perspective par son arrivée imprévue et qu’il en découle logiquement qu’il ne peut y avoir de telos de la dynamique historique qui serait le royaume de Dieu, ou une société parfaite. Il ajoute d’ailleurs que toute mise en rapport du profane avec le messianique aboutit en fait à une conception mystique de l’histoire (Schriften, 1955, Tome I, page 511).

C’est pourquoi, si l’on veut vraiment analyser le désenchantement du monde, il faut arriver, dans l’esprit de Benjamin, à saisir ce que les sédimentations théologico-religieuses ont déposé dans l’esprit humain, dans ses modalités de fonctionnement et ce que cela entraîne pour les positionnements par rapport au monde et à la société. Il faut arriver en particulier à cerner le rôle du religieux manifeste comme du religieux masqué et leurs inter-relations dans les comportements culturels les plus récents, dans cette quête du sens très souvent tentée par l’abandon au non-sens. Comme Weber, Benjamin voit bien que le désenchantement du monde est une réalité duplice, il est pour une part désacralisation, mais aussi nouvel enchantement, mythification de la science et du progrès, production de grands récits, de mytholo- gies modernes pour ne pas avoir à s’interroger sur ce que réserve l’avenir et sur ce que le passé a créé comme problèmes pour le présent. Il est enfermement dans une temporalité plane, tissée de pseudo-continuités qui empêchent de voir la continuité catastrophique (guerres, contre-révolutions) de l’histoire contemporaine. Le théologico-religieux qui prétendait et prétend toujours dispenser des certitudes est largement responsable de cet aveuglement, parce que la pensée du désenchantement essaye aussi de se garantir des certitudes au milieu de ses propres doutes en attribuant une portée indiscutable à ses propres propositions (sur le modèle de la théologie). Mais, pour Benjamin, la théologie a aussi un potentiel critique qu’on n’a pas le droit de sous-estimer, dans la mesure où elle est capable de dire des chose surprenantes ou incongrues sur les façons actuelles de penser ou de ne pas penser. Cela vaut particulièrement pour la théologie juive qui livre des armes efficaces contre Phistoricisme en proscrivant les images du futur ou d’une société réconciliée, en maintenant dans le présent une inquiétude profonde par l’attente messianique, en posant sans cesse des questions au passé et particulièrement aux souffrances passées. Le pessismisme théologique peut ainsi agir comme un véritable décapant sur tous les optimistes a-critiques qui essaient de refouler les craintes et les angoisses et il peut apparaître des questions trop rarement posées sur le non sens de ce qui se donne pour le sens de l’histoire. Il y a évidemment une condition préalable à une efficacité critique, c’est que la théologie ne reste pas l’apanage des théologiens. C’est ce que Benjamin dit avec force dans sa première thèse sur la philosophie de l’histoire (Schriften, I, p. 494) en proposant une alliance de la théologie avec le matérialisme historique. Il n’y a pas à prendre la théologie à la lettre, mais il faut, au contraire interpréter ses thèmes, un peu à la manière de Hegel, comme des moments dans l’affrontement ou la complicité de l’esprit humain avec une histoire faite de domination et d’oppression.

Comme le remarque Theodor W. Adorno (Introduction aux Schriften, I, de Benjamin), la pensée cherche toujours à sortir des systèmes ou des courants dominants en se forgeant des instruments intellectuels inhabituels et des conceptualisations inattendues. Aussi bien ne faut-il pas voir dans l’alliance que Benjamin veut mettre en œuvre entre la théologie et le matérialisme historique une sorte de manœuvre éclectique, une façon de jouer sur plusieurs tableaux à la fois, mais bien une façon de faire travailler l’un sur l’autre, de déranger les dispositifs de l’un et de l’autre afin de les rendre plus dynamiques et plus féconds. Cela est particulièrement apparent dans ce qui est le couronnement de la réflexion benjaminienne sur le désenchantement du monde et la modernité, le livre des passages sur Paris capitale du XIXe siècle. Dans ce livre-montage (fait de beaucoup de citations), Benjamin s’efforce de déchiffrer la ou les religions du quotidien dans la société capitaliste contemporaine et pour cela on le voit effectivement utiliser tous ses acquis théologiques (il faudrait mentioner ici ses échanges avec Gershom Scholem et Ernst Bloch) et, bien entendu, ce qui lui paraît possible de retenir de l’œuvre de Marx. A cet égard on peut considérer comme particulièrement significatives et éclairantes les analyses sur la fantasmagorie de la marchandise qui déplacent et amplifient les développements marxiens sur le fétichisme de la marchandise dans le Livre 1 du « Capital ». Chez Marx, le fétichisme trouve son origine dans ce qu’il appelle un « quiproquo », la marchandise en tant que rapport social est confondue avec son support matériel, le produit manufacturé : le rapport social est en quelque sorte masqué par la matérialité apparente. Benjamin tente d’aller plus loin en analysant le fétichisme comme lié à des processus d’enchantement aussi bien de la marchandise comme rapport social que des produits matériels. Il y a fantasmagorie dans la mesure où la marchandise est transfigurée et brille de façon ambiguë comme une promesse qui est à la fois tenue et non tenue. En effet, la marchandise fascine parce que les hommes projettent sur elles des images et des forces mythiques qui viennent de rêves éveillés.

On pourrait penser que Benjamin s’aventure par là sur une voie périlleuse, celle d’une conception psychologisante, voire hypnotique du fétichisme. Il n’en est rien, puisqu’il explique la fantasmagorie de la marchandise par l’appauvrissement ou la réduction de l’expérience dans la société capitaliste et de la modernité. Dans les rapports magiques ou religieux au monde, il y avait une grande profusion de manifestations mimétiques, de mise en relations analogiques, de recherche de correspondances entre les hommes et leur environnement. Le langage lui-même, dans ses aspects poétiques, multipliait lui aussi les constructions analogiques sensibles et supra- sensibles dans d’incessants rebondissements. Or, tout cela est profondément atteint par la rationalisation capitaliste, polarisée par la valorisation du capital et les modalités de calcul économique et de production de connaissances qui en découlent. Le désenchantement se fait ainsi dé-poétisation du monde et ce que Benjamin appelle le pouvoir mimétique (cf. « Das mimetische Ver- môgen » in Schriften, I, pp. 507-510) cherche à se frayer des voies ou des issues dans de très mauvaises conditions en investissant le monde de la marchandise et de la valeur. Les hommes se partagent de façon schizophrénique entre un activisme débridé au service de la valeur et le culte qu’ils rendent à la marchandise de mille façons. Ils vivent dans un véritable état de scession qui les empêche de penser ce qu’ils font, de faire l’expérience de la temporalité en se posant des questions sur le passé et le futur. Ils sont enfermés dans une sorte de perpétuel recommencement du même et Benjamin ne craint pas d’affirmer que le capitalisme est un état de rêve, de sommeil de rêve (Traumschlaf), et de retour incontrôlé des forces du mythe.

Benjamin tient au fond à faire comprendre que le désenchantement n’est pas séparable de nouveaux enchantements et même qu’il les suscite en permanence. Mais il ne pense pas pour autant que ce jeu de contrastes incontrôlé soit un destin inéluctable et qu’il soit impossible d’en sortir. Il est au contraire persuadé qu’il est possible de désenchanter la choséité (Dinglichkeit), de la dépouiller de sa fantasmagorie, en élaborant les instruments intellectuels adéquats, capables de déchiffrer les hiéroglyphes de la modernité et de guider l’action. C’est dans ce but qu’il met au point les concepts complémentaires d’image dialectique et de dialectique à l’arrêt. Par opposition aux conceptions habituelles de la dialectique, il n’essaye pas de mettre du mouvement dans les relations ou les objets (choses, marchandises, etc.), ce qui l’intéresse au contraire c’est de mettre fin au faux dynamisme, à l’agitation du monde de la fantasmagorie ainsi qu’à sa temporalité faussement homogène et vide. Pour y parvenir, l’image dialectique fait revivre ce qui a été, réactualise ce qui était à l’origine pour en faire percevoir la richesse et les promesses non tenues. Elle restitue par là au présent une multidimensionnalité qu’il perd lorsqu’il réduit passé et futur à de la préfiguration et de la répétition de son propre manque à être. L’image dialectique n’est pas une illumination brusque, elle déchiffre patiemment des significations enfouies, des histoires obscurcies, des relations occultées dans les images trépidantes de la fantasmagorie capitaliste. Son but est de produire des interruptions dans les flux d’échange marchand enchantés, de production d’objets transfigurés pour susciter des effets de surprise, de réveil du sommeil de rêve. Elle s’insère en effet dans une dialectique de la discontinuité qui dé-construit les conceptualisations pleines et lisses, déséquilibre les dispositifs théoriques refermés sur eux-mêmes et déstabilise les prêches du culte marchand. Cette dialectique qui travaillé le plus souvent de façon micrologique (sur des objets bien circonscrits) ne peut évidemment prétendre faire une théorie totalisante du capitalisme enchanté, mais elle se déploie de façon stratégique sur des champs très divers en utilisant au besoin des modes d’investigation indirects (étudier le bizarre, ce qui est marginalisé, mis au rebut) pour faire apparaître ce qui contredit l’enchantement et sa fausse continuité historique.

La pensée de l’interruption est par excellence une pensée de la mémoire, de la remémoration (Eingedenken), mais comme l’explique Benjamin dans « Über einige Motive-bei Baudelaire » (Schriften, I, pp. 426-472) elle ne peut pas jouer pour l’essentiel sur la mémoire volontaire car cette dernière ne peut que se rapporter à des contenus de conscience, à des vécus (Erlebnisse). Autrement dit elle laisse de côté des empreintes plus fondamentales, des relations restées non conscientes, ce qu’on peut appeler la mémoire involontaire et qu’on ne voit guère affleurer que dans des œuvres d’art (par exemple chez Proust) par un long travail sur des traces et des vestiges qui ne parlent pas directement. Ce travail est d’autant plus difficile que, selon Benjamin, au delà de l’appauvrissement de l’expérience, il y a aussi un appauvrissement de la perception submergée par des flots de sensations, d’informations et de messages. Les individus sont soumis à des chocs incessants qu’ils ne peuvent même pas vraiment discriminer ou distinguer, ils deviennent des kaléidoscopes avec conscience pour reprendre une expression du livre des passages. Les artistes doivent en conséquence se mesurer avec un contexte qu’ils ne peuvent plus considérer comme complice ou familier, mais au contraire comme hostile ou étranger. Le collectionneur, dit Benjamin, mais on peut aussi penser au poète, est confronté à la tâche sisyphéenne d’ôter aux choses leur caractère de marchandises. L’œuvre d’art qui n’a plus d’aura parce qu’elle s’éloigne de la tradition perd sa valeur culturelle pour gagner une valeur d’exposition, facilement transformable en valeur marchande. Un poète comme Baudelaire est ainsi placé dans la situation impossible de devoir inventer des formes dans le règne de la marchandise, de trouver du non-marchand dans ce qui est déjà marchandise (cf. la figure emblématique de la prostituée), et de le faire en étant isolé au milieu de la foule.

Dans son fameux article sur « L’art à l’époque de sa reproductibilité technique » (Werke, VII, 1) Benjamin se laisse aller, il est vrai, à un peu plus d’optimisme à propos des développements possibles de l’art. Il affirme en particulier que le cinéma peut changer en profondeur les conditions de la production artistique en dépassant Pimmédiateté photographique grâce aux techniques de montage. Toutes proportions gardées, le cinéma pourrait procéder à des rapprochements inattendus, comme la psychanalyse, entre des aspects apparemment éloignés de la réalité tout en établissant des rapports spatio-temporels inédits à l’intérieur de la socialité. Benjamin attend donc que le cinéma produise des effets de subversion du réel et de re-construction de l’expérience, s’il n’est pas dominé par des impératifs commerciaux (Benjamin pense évidemment à certains cinéastes soviétiques et à certaines expériences allemandes). Il suggère même que l’attention distraite des grandes masses pour le nouvel art cinématographique pourrait atteindre une nouvelle qualité dans un avenir qui ne serait pas trop éloigné. Cet optimisme est en réalité ambivalent, parce que Benjamin ne peut pas ignorer en même temps la montée du nazisme et l’utilisation régressive qui est faite du cinéma pour parachever l’enlisement d’une partie au moins des masses dans les préjugés raciaux et politiques et dans le refus compulsif d’autres expériences. Il ne fait pas à priori confiance à la technologie du cinéma, à son appareillage, il espère seulement que les masses opprimées pourront un jour secouer le joug de la soumission et de l’ignorance grâce à un usage qui leur serait propre des nouvelles techniques et à une nouvelle conscience sociale.

Il ne peut dès lors que s’en remettre à l’attente d’une rupture de la continuité historique de type messianique : se libérer des enchantements de la marchandise et de ses rites culturels quotidiens, ce serait purement et simplement sortir de l’histoire comme par miracle. De façon significative, les thèses sur la philosophie ou le concept d’histoire, pourtant précises et aiguës dans la critique des conceptions social-démocrates ou communistes du progrès, sont très sommaire ou métaphoriques, lorsqu’il s’agit de donner des indications sur la façon de combattre l’histoire comme catastrophe. Rien ne permet de penser que Benjamin attende un Messie au sens propre et littéral du terme, cela contredirait par trop la thématique chez lui récurrente d’« illumination profane » (« profane Erleuchtung »), mais on voit bien qu’en s’interdisant toute analyse, même négative, de la dynamique historique, il se condamne à rester dans une rhétorique de l’évocation, de l’excommunication et de l’attente. 11 est sans doute un des critiques les plus acérés des « Geisteswis- senschaften » (sciences de l’esprit) et de l’historicisme à la Dilthey, mais en même temps il n’évite pas les pièges des métaphysiques de l’histoire en concevant « la continuité catastrophique de l’histoire » en termes beaucoup trop linéaires et déterministes. Sans le vouloir, il prend par là le risque d’affaiblir ses propres analyses sur le désenchantement et le ré-enchantement du monde.

On peut penser que dans leur livre « Dialektik der Aufklàrung » (« Dialectique de la raison ») où les références au désenchantement du monde sont explicites, Max Horkeimer et Theodor W. Adorno ont voulu sortir de cette impasse en élaborant une théorie de l’histoire qui se présente comme archéologie (Urgeschichte) de la subjectivité, du mythe et de la raison. Il s’agit d’une archéologie et non pas d’une histoire comme succession, théorisée comme nécessaire, parce que la réflexion porte sur des textes et des auteurs (Homère, Sade, Kant) sur lesquels il faut jeter des regards neufs et obtenir des interprétations qui sortent de l’ordinaire. Les deux auteurs affirment d’emblée et avec force qu’il n’y a pas de fossé infranchissable entre mythe et raison ou mythe et lumières puisque le mythe (comme la magie) n’est pas pure et simple soumission à des puissances irrationnelles et que la rationalité n’est pas exempte de croyances mythiques dans sa propre toute puissance. Ce qui importe par conséquent, c’est d’élucider les mécanismes par lesquels la rationalité entretient un rapport aveugle avec les tendances à la mythification. La réponse de la « Dialektik der Aufklàrung » est, on ne peut plus, claire : la raison a partie liée avec la domination et avec le travail dominé. Elle est avant tout organisation de l’exploitation et de l’utilisation de la nature humaine ou comme soumission de la subjectivité aux impératifs sociaux de la domination de la nature et de l’exploitation du travail. L’« Aufklàrung » (les Lumières) travaille contre elle-même, et la libération de l’individu de certaines formes de dépendance s’accompagne de la mise en place de nouvelles formes d’oppression impersonnelles. La pensée est réduite par là à l’état d’instrument et la raison, dans ses pratiques dominantes, devient mimesis de ce qui est mort ou réduit à l’état létal dans les êtres humains.

Les cristallisations de l’esprit humain — l’esprit objectif selon Hegel — relèvent, en ce sens, d’un universel abstrait et particulariste (celui de la domination) qui empêche les hommes de se libérer des peurs et angoisses mythiques. Dans le monde désenchanté, les traumatismes qui marquent les individus ne tiennent pas seulement à la perte irrémédiable de l’unicité et de la sécurité de la société régie par le théologico-religieux, ils tiennent aussi aux confrontations inévitables et permanentes des individus avec des forces impersonnelles qui les dépassent, le marché, l’Etat et les institutions para- étatiques. Dans la société contemporaine, beaucoup de couches se sentent impuissantes et réagissent par des mouvements de colère et de rage sans objet apparent ou par des tentatives de destruction de plus faibles pris comme boucs-émissaires. La société dominée par une violence omniprésente, mais masquée, voit se reproduire périodiquement dans son sein des poussées de violence idiosyncrasiques qui traduisent souvent des tendances à l’autodestruction. De ce point de vue, l’antisémitisme a une valeur tout à fait paradigmatique, en particulier parce qu’il montre la fragilité de ce qu’on appelle les processus de civilisation et la possibilité que fusionnent des hantises archaïques (l’antisémitisme chrétien) avec des aveuglements contemporains (projections sur des ennemis imaginaires). C’est pourquoi plutôt que de parler de continuité catastrophique de l’histoire, il vaut mieux parler de discontinuités régressives qui peuvent prendre des formes très différentes, la barbarie exacerbée du nazisme, l’enfermement dans les filets de l’industrie culturelle, la terreur de l’époque stalinienne en URSS, etc.

Selon les auteurs de la « Dialektik der Aufklärung », il ne faut certainement pas essayer de donner de sens à l’histoire, que celui-ci soit positif ou négatif, pour ne pas tomber dans le piège d’une philosophie de l’histoire, à prétention universelle. La catastrophe est un danger permanent, elle n’est pas une fatalité historique et la tâche que toute théorie critique doit se fixer est de montrer, qu’au-delà des assurances à courte vue d’un positivisme satisfait des promesses du Capital (développements des technologies, expansion du monde de la marchandise, internationalisation des rapports économiques), la catastrophe est toujours imminente, c’est-à-dire inscrite dans les relations sociales alors même qu’elle n’est pas visible. La société est en effet un ensemble aveuglant (Verblandungszusammenhang), où les individus, sous les apparences de la personnalité et de la subjectivité, tendent à n’être plus que des exemplaires de l’espèce, les émanations d’une fausse totalité sociale (un universel abstrait qui se soumet au particulier) qui ne leur offre que des caricatures d’accomplissement. C’est cette réalité qu’il faut regarder en face et explorer jusque dans ses retranchements les moins connus, en refusant les jeux éclectiques qui consistent à trouver du positif à côté du négatif ou à se projeter dans l’imaginaire. La radicalité de l’analyse doit récuser toute idée de pessimisme ou d’optimisme et par là même disqualifier les illusions et les fausses solutions, c’est-à-dire tout ce qui est rédemption (Erlösung) à bon compte.

Cette pensée de l’enfermement qui n’accepte aucun « deus ex machina », serait-il le mouvement ouvrier ou le prolétariat, peut sembler à première vue aporétique : comment sortir d’un aveuglement qui semble si total ? Comment le penser si l’on est soi-même partie prenante ? Certaines formulations donnent d’ailleurs à penser qu’on est bien dans une impasse, mais lorsqu’on examine la question de plus près, on s’aperçoit qu’il n’en est rien. Dans les lettres qu’Adorno envoie à Benjamin entre 1934 et 1940 et qui portent pour l’essentiel sur le travail effectué sur le livre des passages, on remarquer très vite que la réflexion d’Adorno ne se présente pas comme une réflexion partant « ex nihilo ». Au contraire, elle est retour critique sur l’œuvre de Marx, ainsi que sur l’œuvre en cours de Benjamin, donc appui sur des élaborations théoriques déjà existantes (cf. Adorno « Über Walter Benjamin », 1970) et considérées comme apportant des lumières sur les problèmes discutés. L’enfermement n’est pas absolu et à la limite ne peut pas l’être quelle que soit l’efficacité dès mécanismes d’aveuglement. Ce que peut faire en réalité la théorie critique sur le plan théorique, c’est proposer des modalités d’un autre désenchantement, d’un désenchantement qui ne soit pas en même temps enchantement et transfiguration. Pour cela elle doit procéder à un véritable décapage des rapports entre théories et pratiques existantes, y compris au niveau des théories les plus abstraites (philosophie, épistémologie, etc.). La conceptualisation, même dans ses modalités les plus formelles, doit être passée au crible, parce qu’elle participe aussi de l’enchantement inscrit dans le désenchantement. La subsomption sous le général reflète des processus d’identification, des mises en rapport d’équivalences qui font violence au particulier et au singulier et expriment par là la domination de la totalité sociale sur l’individuel. Désenchanter le concept, c’est démontrer que sa toute puissance apparente sur le réel, sa capacité à l’organiser intellectuellement est la rançon de l’impuissance relative mais réelle des hommes face à leur société et à sa dynamique. Un nouveau désenchantement qui ne cède ni à la fantasmagorie de la marchandise, ni à des fantasmes de toute puissance sur la nature relève d’une autre relation au monde, ou comme dirait Weber, d’un autre mode de travail sur le monde (Weltbearbeitung). Il se situe au delà des pratiques et comportements habituels et présuppose d’autres modèles d’interprétation du monde, car il est solution de continuité par rapport à ce qui est la normalité du quotidien et du social. Il est en ce sens utopie, mais une utopie sans image du positif, une utopie qui existe, mais dépassement de l’existant par sa négation déterminée, et non sa négation abstraite. L’utopie sort de l’immanence historique pour lutter contre elle sans récuser l’objectivité du monde, puisqu’elle se fixe comme tâche la reconstruction de l’expérience et un nouveau rapport à l’objectivité. Le désenchantement à naître de l’utopie sans image, ne peut prétendre dire le monde, il dé-mythifie et dé-mythologie en sachant que l’on est sans cesse guetté par la tentation du mythe et des certitudes consolatrices.

La distance qui sépare Weber d’Adorno et Benjamin est évidemment considérable. Il y a d’un côté un sociologue qui ne veut pas aller au delà de l’empirie, il y a de l’autre côté des philosophes qui ne craignent pas de se confronter avec des spéculations métaphysiques. Pourtant le « réalisme » wébérien n’est peut-être pas aussi pur qu’il veut bien le dite. Le sociologue Max Weber qui conçoit la rationalisation comme un destin, ne sacrifie-t-il pas involontairement à une philosophie négative de l’histoire ? Lorsqu’il annonce un avenir de servitude sous le joug de la bureaucratie et de l’Etat, son argumentation s’appuie sur des éléments empiriques mais aussi sur des généralisations et des extrapolations hasardeuses (non contraignantes logiquement). Le pessimisme wébérien quant au sort de l’avenir réservé à l’individu n’anticipe-t-il pas certaines analyses postérieures de Benjamin et d’Adorno ? Pour Weber toute culture née du désenchantement est menacée d’implosion, parce qu’elle est confrontée au renversement des rapports entre moyens et fins dans la dynamique sociale. De façon irrésistible, le calcul et la mise au point des moyens finissent par reléguer au second plan la recherche des valeurs et s’affirment eux-mêmes comme une sorte de valeur suprême. Weber n’attribue-t-il pas par là un pouvoir de fascination à la rationalité économique qui préfigure les thématiques du fétichisme et de la fantasmagorie chez Benjamin ? A l’évidence pour lui les questionnements extra-empiriques ne sont pas du tout secondaires. Le paradoxe est qu’il les a formulés sans chercher à y répondre. Au contraire, Benjamin et Adorno ont essayé de formuler des problématiques dans ces mêmes domaines, de façon à permettre des programmes de recherche et des élaborations théoriques rigoureuses. Dans un article intitulé « Soziologie und empirische Forschung », Adorno souligne que le donné des sciences sociales, les faits que les méthodes considèrent comme indépassables, ne sont pas des éléments derniers, mais des éléments conditionnés. En d’autres termes, les rapports objectifs sont médiatisés par la société, par sa configuration et sa structuration et s’en tenir à l’immédiat, c’est en fait succomber à un véritable fétichisme de l’empirie (cf. Sociologica, II, 1962, pp. 220-221). Les sciences sociales, si elles veulent avoir un contenu de vérité, doivent nécessairement critiquer l’empirie.

Université Paris VIII

BIBLIOGRAPHIE

Theodor W. Adorno (1970), « Über Walter Benjamin », Frankfurt/Main, 188 pages.
Karl Barth (1987), « Kirchliche Dogmatik », München-Zürich, 319 pages.
Walter Benjamin (1955), « Schriften », tome 1, Frankfurt/Main, 655 pages.
Walter Benjamin (1983), « Das Passagen-Werk », 2 tomes, Frankfurt/Main, tome I, 654 pages, tome II, 1354 pages.
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Norbert Bolz (1989), « Auszug aus der entzauberten Welt. Philosophischer Extremismus zwischer den Weltkriegen », München, 191 pages.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1986). « Philosophie der Religion ». I, Franfurt/Main. 442 pages.
Max Horkheimer. Theodor W. Adorno (1947), « Dialektik der Aufklärung », Amsterdam, 311 pages.
Max Horkheimer, Theodor W. Adorno (1962), « Sociologica II. Reden und Vortrage », Frankfurt/Main, 242 pages.
Max Weber (1988), « Gesammelte Aufsätze zur Religionssoziologie », tome I, Tübingen, 573 pages.
Max Weber (1956), « Wirtschaft und Gesellschaft », tome I, Tübingen, 385 pages.


Source : exemplaire de la BPI
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exemplaire personnel de Max Weber ou la démocratie inachevée





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