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Le Vietnam nous concerne toujours

Tribune socialiste

n° 370, p. 3, 2 mai 1968




Contrairement à ce que prophétisaient au lendemain du discours de Johnson beaucoup de commentateurs trop pressés, les pourparlers en vue de négociations préliminaires pour l’arrêt des hostilités entre la R.D.V. et le gouvernement des Etats-Unis n’ont pas encore eu lieu. Johnson a utilisé des prétextes divers pour reculer les véritables prises de contact et pour essayer de faire croire à l’opinion publique américaine et internationale que sa « bonne volonté » restait entière. En même temps il a fait son possible pour rassurer ses satellites, de Saigon à Séoul, sur la fermeté américaine.
En d’autres termes, il leur a indiqué que les buts de guerre américains restaient inchangés, même si les victoires du F.N.L. imposaient un certain repli tactique (arrêt des bombardements au-dessus du I9e parallèle). Il faut bien voir, en effet, que la nouvelle attitude de l’administration américaine représente la poursuite, par d’autres moyens, de la lutte contre le peuple vietnamien et ses alliés dans le monde entier. Sur le front intérieur aux Etats-Unis la manœuvre de Johnson vient de prendre tout son sens avec la déclaration de candidature de Hubert Humphrey qui met, dit-il, la paix intérieure au-dessus de la politique. En clair cela veut dire qu’Humphrey lance un appel à la classe politique des Etats-Unis pour qu’elle ne laisse pas se développer au cours de la campagne électorale un débat sur le Vietnam qui comporte le risque de voir les « pacifistes » modérés à la Kennedy et les « bellicistes » modérés à la Johnson dépassés par des courants extrémistes. Les choses sérieuses doivent se passer entre c gens de bonne compagnie ».
A l’échelle internationale l’objectif poursuivi est maintenant tout à fait discernable. Il s’agit de pousser tous ceux qui trouvent que cette guerre est bien « gênante » à faire pression sur les Vietnamiens pour qu’ils se montrent « raisonnables » en faisant des concessions au |point de vue américain (sur la forme et sur le fond, bien entendu). Les mouvements d’opposition à l’agression de par le monde doivent être affaiblis et démobilisés par cette manœuvre alors qu’au contraire la position diplomatique des Etats-Unis devrait, elle, en sortir renforcée.

Que le gouvernement des Etats-Unis recherche toujours une victoire politique dans le conflit vietnamien, c’est-à-dire le maintien de la division du pays et la survie d’un gouvernement anti-communiste à Saigon, est démontré également par son comportement militaire au Vietnam. La zone des bombardements s’est rétrécie, mais leur intensité n’en a rien diminué à en juger d’après le tonnage de bombes déversé ces dernières semaines. Des renforts américains continuent d’arriver et il apparaît probable que la Corée du Sud et la Thaïlande suivront cet exemple à brève échéance. En outre, le haut commandement américain continue à monter de grandes opérations spectaculaires contre les troupes du F.N.L., sans succès il est vrai.
Les adversaires les plus résolus de l’agression américaine n’ont donc aucune raison de diminuer leur pression sur les forces impérialistes. Bien au contraire la nouvelle tactique, du gouvernement des Etats-Unis doit être affrontée avec la plus grande vigilance. Chaque pas, chaque manœuvre de l’administration Johnson doivent être analysés avec le plus grand sérieux, replacés dans leur contexte (la situation de l’impérialisme américain à l’échelle mondiale) afin que la pression la plus vive puisse être exercée sur Washington dans cette période de pourparlers difficiles. L’objectif des alliés du peuple vietnamien doit être de dissiper toute confusion sur la politique réelle des Etats-Unis et de montrer que la cause vietnamienne mérite plus que jamais le soutien du plus grand nombre. Tout retard dans les pourparlers occasionné par le gouvernement américain, chaque prétexte invoqué pour continuer les opérations de guerre contre le peuple vietnamien doivent être dénoncés avec vigueur.
La victoire « politique » doit devenir pour Johnson et les classes dirigeantes américaines aussi impossible que la victoire « militaire ».

Les manifestations des 26 et 27 avril dans le monde, à New York, à Copenhague, à Rome, entre autres, ont montré que les adversaires de l’agression ne se sont pas laissés démonter par le tournant tactique de l’administration Johnson. Au contraire il semble que les échecs sur le terrain de la première puissance mondiale aient eu pour effet de les encourager à agir encore plus vigoureusement que par le passé (à Copenhague en particulier) afin de rendre les difficultés américaines encore plus grandes.
Cette réaction qui eut encore celle « le minorités active », doit être à tout prix étendue à d’autre » milieux, en particulier aux milieux de travailleurs, parce que l’affrontement politique qui se dessine à propos de la question des négociations ne concerne pas seulement le Vietnam et les Vietnamiens. Un peu partout dans le monde occidental, en Allemagne de l’Ouest, au Japon, en Italie, les gouvernements ont réagi avec brutalité contre le mouvement de solidarité avec la lutte du peuple vietnamien, pas seulement parce que les manifestations troublèrent la tranquillité digestive du monde bourgeois, mais aussi parce qu’à travers la lutte en faveur de la R.D.V. et du F.N.L., de nouvelles générations prenaient conscience du parasitisme et de la barbarie des structures impérialistes et capitalistes qui rendent la guerre du Vietnam possible. Les Vietniks de San Francisco, les membres du S.D.S. de Berlin ou de Francfort, les jeunes étudiants de Rome deviennent des gens dangereux parce qu’ils en viennent à critiquer les fondements de la société capitaliste et à rechercher le contact avec les travailleurs. Les classes dirigeantes elles, se sont aperçues très tôt, bien avant les organisations les plus puissantes du mouvement ouvrier, que l’opposition à la guerre du Vietnam recélait une charge explosive très forte pour l’ordre social existant.

Il y a eu une génération politique de la guerre d’Espagne qui a été fortement marquée par la défaite du mouvement ouvrier espagnol. Il y a aujourd’hui une génération du Vietnam qui a toutes les chances d’être une génération de combats victorieux, parce que la victoire du peuple vietnamien ne peut qu’ouvrir de nouvelles perspectives à l’histoire du monde. Le P.S.U. qui, depuis le début, a pris une position sans équivoque en faveur de l’agressé contre l’agresseur se sent partie intégrante du grand mouvement de renouvellement politique déclenché par la lutte du peuple vietnamien. Pour lui plus que jamais le mot d’ordre est tout pour la victoire du peuple vietnamien, sa victoire sera aussi la nôtre.





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(1934-2004)