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Battre les agresseurs du Vietnam

Tribune Socialiste

n° 429, p. 3, 13 novembre 1969




Le gouvernement français ne veut pas de manifestations sur le Vietnam, car, dit-il, Paris capitale de la Conférence de la Paix, se doit de garder une stricte neutralité. L’argument est vraiment magnifique. En somme, nos gouvernants nous demandent tout simplement de considérer que l’affaire ne nous concerne pas et que nous devons rester indifférents devant les manœuvres américaines pour maintenir en place le régime Thieu-Ky.
Nous ne pouvons naturellement pas manger de ce pain-là. La lutte du peuple vietnamien est liée par mille liens à la nôtre depuis des années. Le courage et l’esprit de décision du F.N.L. ont réveillé en Occident des milliers d’énergies, parce qu’ils ont mis en échec la technique dite toute puissante des Mac-Namara et autres fonctionnaires du grand capital. Depuis que les soldats du F.N.L. ont battu sur le terrain les troupes de Westmoreland ou d’Abrams, le monde a en fait changé de face. Qu’on se souvienne du ton triomphant qui était celui de la bourgeoisie à l’époque de Kennedy. Tout lui réussissait ou semblait lui réussir. En Asie, en Afrique, en Amérique latine, elle faisait reculer les mouvements de libération ou les mouvements révolutionnaires.
Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’un beau rêve. L’impérialisme est sur la défensive sur une grande partie de la planète. Il doit affronter des difficultés politiques, idéologiques, économiques (monétaires) qui sont dues pour une part non négligeable à l’action du peuple vietnamien et à ses répercussions un peu partout. La résurgence périodique de mouvements insurrectionnels en Amérique latine, malgré la mort de Che Guevara, est significative à cet égard, de même que la nouvelle force du sentiment internationaliste chez les jeunes du monde occidental.
Mais, bien entendu, les tenants de l’impérialisme ne s’avouent pas vaincus et ne désespèrent pas de voir un renversement de la conjoncture d’ici quelques temps. En premier lieu, ils recherchent l’isolement du peuple vietnamien, en utilisant les négociations de Paris pour faire croire qu’il n’y a plus d’agression. A leur façon, les Cabot Lodge, les Nixon nous montrent que la diplomatie peut être la poursuite de la guerre avec d’autres moyens, qu’elle peut être utilisée pour endormir tous ceux que les rodomontades sanglantes de Johnson ré- voltaient profondément.
Face à cette volonté à peine cachée de ravir au peuple vietnamien et au mouvement ouvrier international les fruits d’un combat sans précédent, notre tâche est claire. Nous devons être partie prenante aux négociations en tant que soutiens du peuple vietnamien et en tant qu’adversaires déclarés du gouvernement américain et du Pentagone. Nous devons en réalité tout faire pour que la position du gouvernement révolutionnaire provisoire du Vietnam du Sud se renforce à l’échelle internationale et pour que la position de Washington s’affaiblisse.
C’est le sens que nous devons donner et donnerons à notre participation aux manifestations du 15 novembre qui auront lieu dans toute la France. Il ne s’agit pas pour nous d’affirmer une volonté de paix abstraite ou simplement notre horreur des bombardements américains au Vietnam du Sud ou au Laos. Ce que nous voulons, c’est exiger que nos gouvernants reconnaissent le gouvernement révolutionnaire provisoire du Sud-Vietnam et qu’ils cessent le jeu hypocrite de la neutralité, paravent de la solidarité des exploiteurs.
Reconnaissons-le il faut que nous donnions un nouveau départ à la lutte pour la solidarité avec le peuple vietnamien. Nos propres problèmes nous ont, pour un temps, détourné — à tort — de cette tâche fondamentale. Il nous faudra expliquer, réexpliquer le sens de la solidarité politique avec le F.N.L. et la République démocratique du Vietnam. Il nous faudra réapprendre à convaincre des masses très larges, qu’elles ne s’éloignent pas de leurs préoccupations les plus profondes en manifestant pour la victoire du peuple vietnamien. De Washington à Paris, la lutte contre les agresseurs — directs ou indirects du peuple vietnamien — ne doit pas cesser malgré les difficultés, elle doit, au contraire, s’amplifier.
Nous ne savons pas quand le gouvernement révolutionnaire provisoire pourra s’installer à Saigon. Nous ne savons pas si la tiédeur soviétique, dans le soutien à une cause juste, ne retardera pas encore un peu plus l’issue du conflit. Nous ne savons pas s’il ne faudra pas une nouvelle crise grave dans les milieux dirigeants américains pour faire plier les forces d’agression. Mais cela pour nous n’est pas l’essentiel, car nous ne sommes pas prophètes. Nous devons simplement comprendre qu’étant donné l’interdépendance des combats à l’échelle internationale, nos initiatives peuvent hâter la fin de l’agression, comme notre manque d’initiatives peut permettre de la prolonger. Nous devons savoir que la victoire du peuple vietnamien multipliera nos propres forces en même temps qu’elle amoindrira celles de nos adversaires. Il n’y a pas d’hésitation possible ! Avec nos camarades américains, nous devons manifester notre haine de cette guerre d’agression et notre fraternité avec les soldats du F.N.L. aujourd’hui à la tête du combat internationaliste.
Pour les manifestations du 15 novembre, le texte signé à l’initiative du Mouvement de la paix par de nombreuses organisations, dont le P.C.F., ne donne pas entière satisfaction à notre parti sur quelques points importants. Cela nous impose en conséquence de faire apparaître avec la plus grande clarté les mots d’ordre et les slogans qui donneront tout leur sens à cette journée pour la victoire du F.N.L. et du G.R.P.





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(1934-2004)