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Handbuch des Soziologie... Hrsg von Werner Ziegenfuss [compte-rendu]

Revue française de science politique

n° 8-3, p. 682-683, septembre 1958




Handbuch des Soziologie... Hrsg von Wemer ZIEGENFUSS. — Stuttgart, F. Enke, 1955-1956. 2 vol. In-4°, xuv-1243 p. Bibliogr.

Le Handbuch der Soziologie publié sous la direction du Professeur Werner Ziegenfuss est une entreprise ambitieuse : il se propose en quelque sorte de dresser le bilan des connaissances actuelles en sociologie. Pour cela il n’a pas fallu moins de deux forts volumes et de seize collaborateurs.
Sans aucun doute cette tentative est dans l’ensemble réussie, et le fruit en est un excellent instrument de travail pour les étudiants et les chercheurs. Le premier volume est consacré aux principes fondamentaux et aux méthodes des sciences sociales (Grundlagen und Methoden der Gesellschaftswissenchaften), le deuxième aux résultats et aux connaissances actuelles dans ce domaine, à l’existence sociale, comme dit Werner Ziegenfuss. Les différentes contributions ont en commun un mérite appréciable : très bien documentées, fondées sur les travaux américains, anglais, allemands et français les plus récents, elles restent, malgré leur niveau élevé, accessibles au non-spécialiste. Certaines sont sans doute plus intéressantes que d’autres, mais aucune ne dépare l’ensemble, et toutes montrent le souci de ne pas laisser s établir des cloisons étanches entre les disciplines et les spécialités.
L’histoire de la sociologie de Heinz Maus est excellente, mais souffre, sans qu’on puisse en faire le reproche à l’auteur, de son caractère trop dense et trop ramassé. Les contributions relatives à 1 anthropologie sociale et à la psychologie sociale, dues respectivement à Friedrich Keiter et à Willy Hellpach, témoignent d’un égal souci d’exactitude et de précision. Toutefois Willy Hellpach s’aventure bien loin dans ses interprétations et dans ses conclusions. Sur les contributions de Gustav Mensching sur la religion, de Franz Zwilgmeyer sur la civilisation (« Kultur »), de F.A. von der Heydte sur l’Etat, de Hermann Eichler sur le droit, il n’y a pas de réserves à faire.
Les contributions les plus remarquables sont sans doute celle de Léo Kofler sur le matérialisme historique, celle de Charlotte Lorenz sur la statistique, celle d Otto Stammer sur société et politique, enfin celle de Gerhard Weisser sur l’économie.
Renouant avec la grande tradition du marxisme occidental de Lukacs, Léo Kofler expose en quelques pages claires et denses la conception marxiste de la société. De son côté Charlotte Lorenz s’est efforcée de présenter non un simple bilan des connaissances actuelles en statistique, mais une contribution originale. Nous pensons en particulier aux passages sur l’histoire et le développement des méthodes statistiques dans le domaine des sciences sociales. Il manque cependant chez Charlotte Lorenz une analyse approfondie du problème des corrélations statistiques dans les sciences sociales.
Otto Stammer apporte lui aussi dans le domaine de la science politique une contribution originale qui essaie de donner une vue systématique des problèmes réels de la science politique. Otto Stammer précise très bien, à notre avis, les rapports entre science politique et sociologie politique, en même temps qu’il délimite avec beaucoup de rigueur les domaines à explorer et les conditions d’une recherche fructueuse. Quant à l’étude de Gerhard Weisser, une des plus longues de l’ouvrage (plus de cent vingt pages) et peut-être la plus remarquable, elle nous place au oceur même de la problématique actuelle de la sociologie. L’auteur, qui à juste titre critique la conception d’une économie politique séparée des autres sciences sociales, assimile l’économie politique à une branche spéciale de la sociologie (cf. son paragraphe « Wirtschaftswissenschaft als spe- zielle Soziologie »). Il se trouve amené par là à mettre involontairement en lumière à la fois les forces et les faiblesses de la sociologie contemporaine. Le rejet de ce qu’après Talcott Parsons il appelle « factor theorizing », la préférence donnée aux recherches morphologiques et fonctionnelles, excluent à peu près complètement toute analyse d’ensemble et toute étude dynamique. Ce n’est sans doute pas par hasard que Gerhard Weisser n’aborde pas le problème de la justification et des limites de la quantification dans l’économie politique. Si, néanmoins, cette contribution domine l’ouvrage, c’est qu elle est fondée sur l’assimilation et l’élaboration des plus récents travaux économiques et socio- logiques avec toute leur richesse empirique. La sociologie et les sciences sociales en général ne peuvent pas et pourront de moins en moins se passer de théories explicatives de la vie sociale.

Jean-Marie VINCENT





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(1934-2004)