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Avertissement pour deux textes italiens

Critique socialiste

n° 3, p. 19, janvier 1971




Les deux textes italiens que l’on va lire dans ce numéro de « Critique socialiste » ont une histoire intéressante et significative. Le premier « Sept thèses sur le contrôle ouvrier » paru en février 1958 dans la revue théorique du Parti socialiste italien « MONDO OPERAIO » a suscité une très vive discussion dans tout le mouvement ouvrier. Ecrit par deux membres de l’aile gauche du parti, Lucio Libertini (aujourd’hui membre du P.S.I.U.P.) et RANIERO PANZIERI (mort en 1964), il remettait en question toute la stratégie définie par Togliatti vers la fin de la deuxième guerre mondiale et acceptée jusqu’alors par le Parti socialiste italien. On pouvait la caractériser ainsi : unité étroite des deux grands partis ouvriers pour imposer par des moyens légaux une transformation démocratique de l’Italie. Le XXe congrès, puis la Révolution hongroise remirent en question tout cela aux yeux de beaucoup de socialistes. Les uns comme Nenni sans remettre en cause la perspective « démocratique », voulurent œuvrer dans ce sens sans collaborer avec le P.C.I., considéré désormais comme un handicap, comme une organisation trop marquée par ses liens avec les Soviétiques. Les autres comme Libertini et Panzieri au contraire, remettaient en question la « transformation démocratique » et entendaient critiquer le stalinisme sur sa gauche. On peut trouver que les « sept thèses » étaient bien incertaines (en particulier sur le problème de la violence), mais il est indéniable qu’elles rompaient nettement avec les thèmes traditionnels. Et c’est bien à ce titre qu’elles furent combattues ou adoptées avec enthousiasme (surtout par les jeunes).

Le deuxième texte, celui de Raniero Panzieri a paru trois ans plus tard dans le n° 1 d’une nouvelle revue les « Quaderni rossi » (les cahiers rouges). Depuis 1959 les partisans de Nenni contrôlent le P.S.I. et la gauche du parti n’a pas grande chance d’empêcher la marche vers la collaboration avec la démocratie chrétienne, Raniero Panzieri se consacre alors à un travail essentiellement théorique. Il lui paraît nécessaire en effet de mieux fonder les perspectives révolutionnaires : avec un groupe de jeunes il se replonge dans l’œuvre de Marx et plus précisément dans le « Capital ». Son centre d’intérêt dans ce retour aux sources, c’est naturellement la grande industrie moderne, la technique et l’emploi de la technique. Marx redonne à Panzieri les moyens de justifier plus scientifiquement le contrôle ouvrier contre toutes les idéologies technocratiques (en pleine expansion à ce mo- ment-là). En même temps comme en témoigne l’article une nouvelle conception de la politique révolutionnaire commence à s’affirmer. Le parti n’est plus l’alpha et l’omega de l’engagement socialiste.

Tout cela explique que ces quelques pages aient également soulevé de vives controverses et qu’elles aient inspiré une grande partie de la nouvelle gauche italienne. Pino Ferraris que nos lecteurs connaissent bien (voir « Critique socialiste » n° 2) a subi très profondément l’influence de Panzieri et avec lui une bonne part des animateurs des luttes récentes à la Fiat.





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