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Entre le mouvement ouvrier organisé et les classes dominantes, un rôle d’intermédiaire privilégié. Social-démocraties européennes

Le Monde diplomatique

p. 9, septembre 1981




Longtemps gestionnaires de pointe de l’Etat-providence, les sociaux-démocrates ont su réagir avec souplesse aux assauts du néolibéralisme des années 70. Pourront-ils longtemps éluder le choix, fondamental, entre un ajustement modéré aux contraintes de la crise et une démarche franchement socialiste ?

Le mouvement communiste international a prédit à maintes reprises le déclin irrémédiable de la social-démocratie. A certains moments, il a même cru possible d’accélérer les choses en la dénonçant avec vigueur, voire avec sectarisme, comme le principal rempart de l’ordre bourgeois. Lors des cinquième et sixième congrès de l’Internationale communiste, on voit ainsi se développer des analyses qui font de la social-démocratie un social-fascisme aussi dangereux que le fascisme proprement dit. Plus tard, les thèses de la période dite de la guerre froide, sans retomber dans de tels excès, pourfendront avec véhémence les trahisons de la social-démocratie atlantiste ou liée à l’impérialisme américain. Or, malgré ces assauts renouvelés - entrecoupés, il est vrai, de phases d’alliance, - la social-démocratie se porte aujourd’hui plutôt moins mal que son concurrent pourtant propriétaire quasi exclusif du label communiste et révolutionnaire.

Le paradoxe est que cette résistance d’autant plus inattendue qu’il n’est guère possible de l’attribuer à une imagination ou à une inventivité politique particulière ne renvoie pas seulement aux erreurs et aux crimes du stalinisme. Comme l’ont montré Christine Buci-Glucksmann et Göran Therborn. elle s’explique par le rôle central que la social-démocratie a assumé dans l’établissement de liens durables et profonds entre le mouvement ouvrier organisé et l’État capitaliste développé. La gestion social-démocrate, qu’on voit s’instaurer en Suède dans les années 30, puis investir avec des fortunes diverses l’Europe du Nord et l’Europe occidentale dans les décennies qui suivent, ne se réduit pas purement et simplement à une gestion loyale du capitalisme, c’est-à-dire à une adaptation servile aux (...)





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(1934-2004)