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Lire Schelling autrement

Futur antérieur,

n° 22, p. 173, février 1994




Saverio Ansaldi vient de publier aux éditions L’Harmattan un livre La tentative schellingienne, un système de la liberté est-il possible ? [1] qui présente un grand intérêt, parce qu’il redonne toute sa complexité à un penseur qu’on classe trop vite parmi les philosophes mystiques et réactionnaires. Saverio Ansaldi ne cache pas que le dernier Schelling s’est enferré dans des contradictions insurmontables et a cherché souvent des solutions à ces contradictions dans des coups de force idéalistes à connotations mystiques, mais il montre aussi qu’il y a chez le Schelling des Recherches sur l’essence de la liberté humaine des développements originaux sur la liberté et la pensée qui rompent avec toute philosophie de l’identité.

Schelling ne fait pas de la liberté la manifestation d’un libre-arbitre, mais la conçoit comme une détermination de l’être, plus précisément l’être en tant que devenir, en tant que différence par rapport au fondement, c’est-à-dire en tant que pensée finie. La pensée de la liberté doit se faire ontologie de la liberté, production de différences contre les fixations identitaires. Il y a un système de la liberté (ce qui donne cohésion à cette dernière dans son mouvement de différenciation) qui ne doit pas être confondu avec un déploiement conceptuel réduisant la différence, mais doit être conçu comme une façon de produire et d’assumer les différences comme positives.

Schelling est sans doute un philosophe idéaliste mais, comme le fait observer Saverio Ansaldi, il y a dans sa pensée de la différence des éléments matérialistes qui permettent de le rapprocher de penseurs comme Adorno et Deleuze. Chez lui, le général et le particulier ne se recouvrent jamais complètement.





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(1934-2004)




[1Saverio Ansaldi, La tentative schellingienne, Paris, L’Harmattan, 1993.